“We have an important role to play”
“We have an important role to play”
Depuis 14 ans, les Mutualités Libres et Louvain Coopération unissent leurs forces pour développer des mutuelles de santé en Afrique. Xavier Brenez, directeur général de l'Union des Mutualités Libres, évoque avec nous ce partenariat.
LC : Comment cette collaboration est-elle née ?
XB : Nous recherchions un partenaire pour nous aider à développer des activités de coopération en Afrique, avec une préférence pour qu’il y ait aussi un volet mutualiste. Notre Président de l’époque a mandaté Christian Horemans pour faire le tour des partenaires potentiels. C’est comme cela qu’on a trouvé Louvain Développement à ce moment-là, qui avait plusieurs atouts et notamment celui d’avoir déjà des activités dans le secteur mutualiste en Afrique. Les contacts se sont noués et on est vite tombés d’accord sur un soutien financier. On a pu s’impliquer tout de suite dans le projet LISA (Lutte intégrée pour la sécurité alimentaire dans l’Atacora Ouest) dans le Nord-Bénin, où nous sommes toujours actifs aujourd’hui, en soutenant 3 mutuelles de santé communautaires.
LC : Comment qualifieriez-vous le partenariat qui vous unit actuellement à Louvain Coopération ?
XB : Il a beaucoup évolué car au départ, il s’agissait d’un soutien financier pour deux mutualités. Sur 14 ans, on a fait énormément de choses : on a approfondi notre collaboration dans le Nord-Bénin, travaillé ensemble au Togo, nous sommes ensemble dans le projet MASMUT qui vient en support au secteur mutualiste dans huit pays d’Afrique de l’Ouest… Louvain Coopération a ses compétences en coopération au développement, un réseau local fort sur lequel on peut s’appuyer. Et nous, on vient avec notre expertise mutualiste. La rencontre des deux permet de développer un travail de fond, de contenu, et pas une approche uniquement de bailleurs de fonds.
LC : Que retirez-vous de cette collaboration ?
XB : Le premier élément est qu’on est content de pouvoir contribuer à notre échelle au développement du secteur mutualiste dans l’Afrique de l’Ouest. On constate que, sur le terrain, même si ce sont des équilibres fragiles, des projets qui sont difficiles, les résultats sont tangibles et de natures diverses. On a d’une part une présence très locale dans l’Atacora où on est vraiment sur le terrain, avec, aussi, un soutien aux centres de santé, de la prévention contre le diabète… Donc là on est content de voir un impact direct. Et, d’autre part, avec des initiatives comme MASMUT, ou des projets de soutien au secteur mutualiste en général, on voit que cela a un impact, mais on sait aussi que ça va prendre beaucoup plus de temps. On voit vraiment la valeur ajoutée du secteur mutualiste et nous sommes convaincus d’avoir un rôle très important à jouer, certainement dans ces pays où l’économie informelle est très forte et où toute une série de personnes ne peuvent compter que sur le secteur mutualiste pour avoir une couverture santé.
Ensuite, ce sont des projets qui vivent très fort au sein de notre organisation. On a toujours beaucoup communiqué à ce propos et on essaye d’associer aussi nos collaborateurs à ces projets. Cela prend différentes formes : on a couru plusieurs fois les 20 kilomètres de Bruxelles au profit de Louvain Coopération, on participe à leurs campagnes de fundraising, leurs événements, dans notre politique salariale, nos collaborateurs ont la possibilité de faire un don à une association… Et certaines personnes ont pu avoir une intervention plus directe dans les projets en allant sur place pour donner des formations, pour participer à certains projets IT. Donc ce sont des projets très soutenus par nos collaborateurs et où ils trouvent vraiment une satisfaction.
LC : Récemment, nos mutuelles de santé ont participé à la lutte contre le Covid-19, via des messages de prévention, du matériel pour se laver les mains…
XB : Oui, c’est très positif et ça montre que la collaboration marche bien. Il y a peu d’intermédiaires et cela nous a permis d’aller très vite entre la naissance d’une idée et sa mise en place sur le terrain. Je trouve que c’est très valorisant. Quand on voit que certains projets sont très longs, doivent faire intervenir de nombreuses organisations et personnes différentes… Ici, ce sont vraiment des bons exemples de choses ponctuelles qu’on peut mettre en place avec une réelle valeur ajoutée et un impact direct.
LC : Un moment fort pour vous dans cette collaboration ?
XB : Il y en a plusieurs, c’est difficile d’en choisir un… À titre personnel, la première fois que je suis allé sur place m’a très fort marqué. C’était en 2014, au Nord-Bénin, pour voir les mutuelles communautaires. C’est évidemment très différent de voir les choses sur place ou de les voir sur des slides ou des rapports. Là j’ai vraiment pu percevoir l’importance de ces mutuelles pour la communauté. J’ai pu constater que c’était un équilibre fragile, pas encore entièrement institutionnalisé, mais que ça faisait une énorme différence pour les gens. Le fait d’avoir une couverture mutualiste faisait une différence parfois entre la vie et la mort de certaines personnes. Et puis, en tant que mutualiste, ça m’a permis aussi de retrouver l’essence même de la mutuelle. Nous l’avons perdue ici car on a de grosses organisations, on est dans un système de santé beaucoup plus complexe, il y a beaucoup d’informatique, d’opérationnel, de financier… Là, on est vraiment sur le besoin de base, où une communauté fédère un risque, met des moyens en commun et décide ensemble de comment elle affecte ces moyens. J’étais assez ému de revoir ça et surtout de m’imaginer d’où on venait, et ce que nous on a pu créer.
Donc ça c’est un souvenir assez fort et quand je relie ça par exemple avec ce que l’on a fait avec la plateforme de Lomé en janvier 2019, où 15 pays étaient représentés, 300 personnes, les précurseurs, ceux qui vont construire le secteur mutualiste de demain, rassemblées dans une salle… Je trouvais que c’était un bon complément à ce que j’avais pu voir sur le terrain.
LC : Quels sont vos souhaits pour le futur ?
XB : J’espère qu’on pourra s’impliquer toujours plus, en faisant participer le plus possible nos collaborateurs. Evidemment, j’espère qu’on pourra continuer à développer le domaine mutualiste, parce que je suis vraiment convaincu que c’est un pilier important pour le développement d’une protection sociale, certainement en Afrique de l’Ouest, mais dans d’autres pays également. Et je souhaite également avoir de l’impact. Le chantier est énorme, donc il faut bien choisir nos axes, nos priorités, de faire en sorte que nos initiatives puissent gagner en autonomie et in fine, qu’on puisse quitter certaines régions pour pouvoir investir dans d’autres. Enfin, je voudrais continuer à pousser des projets qui impliquent l’UCLouvain et l’ARES. Je pense que ça a énormément de sens d’engager les acteurs académiques dans nos réflexions stratégiques. Cela apporte une énorme valeur ajoutée. Nous avons déjà deux projets en cours, avec l’UCLouvain, l’ARES et une université locale. Ce sont aussi de bons exemples pour montrer que Louvain Coopération a un réel rôle à jouer dans la création d’une synergie entre ces différents acteurs du Nord et du Sud.