“The key lies in the hands of the girls”

Blandine

“The key lies in the hands of the girls”

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Toutes les filles et les femmes aidées par le Centre Don Bosco (partenaire de Louvain Coopération dans l’accompagnement des enfants et jeunes en situation de rue à Kinshasa) ne sont pas nécessairement des couturières. Cette année, à l’Ecole des métiers Tuwe Wafundi, il y a environ 30 filles qui ont choisi d’apprendre des métiers considérés comme masculins : la mécanique automobile, la menuiserie, l’ajustage soudure et la maçonnerie.

Blandine, 19 ans, est une ancienne élève de cette école, fière de son métier de maçon. Nous l’avons interviewée.

Blandine, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Blandine Munyerenkana. Je suis née à Mulambula, près de Bukavu, au Sud-Kivu, en 2002. Mon père est un « Shi » originaire du territoire de Kabare.

Parle-nous de ta famille.

Je suis la deuxième de 7 enfants, 5 filles et 2 garçons. Je suis l’aînée des filles. Mon père est mort le 23 octobre 2020.

A la mort de ton père, que s’est-il passé ?

J’étais en 4e secondaire. J’ai dû quitter l’école, je n’avais personne pour payer les frais scolaires. C’était alors impossible pour moi d’obtenir le diplôme d’Etat. J’ai voulu apprendre l’anglais, avec l’espoir de devenir interprète un jour. Mais soit je restais à la maison, en effectuant les travaux ménagers, soit je me promenais au hasard en ville.

Comment es-tu entrée en contact avec le centre Don Bosco ?

Mon frère aîné m’a parlé d’une école qui accueillait gratuitement des jeunes vulnérables. Ma famille a donné son accord pour que je continue ma formation dans cette école.

Quelle formation as-tu choisie ?

J’ai choisi la maçonnerie, car le monde de la construction m’attirait beaucoup. J’adore observer les chantiers et voir les maisons sortir de terre. Je sais aussi que c’est une profession qui offre de nombreuses possibilités. Il y a beaucoup de chantiers à Bukavu, ce qui augmente mes chances de trouver du travail.

Pourquoi as-tu choisi la maçonnerie, qui est considéré comme un métier généralement réservé aux hommes ?

En effet, j’étais la seule fille de ma classe. Cela ne me posait pas de problème. Au contraire, je savais que c’était une chance dont je devais profiter pleinement. Pour ma part, quand j’observais l’élévation des murs d’une maison, je me voyais un jour en train d’exercer le même travail que les hommes. Ma famille ne s’y est pas opposé, elle a compris que c’était une occasion que je devais saisir.

Pendant ta formation au centre Don Bosco, as-tu changé tes perspectives ?

Oui, j’ai renoncé à devenir interprète, pour m’orienter vers les chantiers. J’ai vu que je pouvais encore améliorer la formation que je recevais au centre, et que je pouvais envisager le métier de maçon pour réussir ma vie et aider ma famille.

Comment s’est déroulée ta formation au centre Don Bosco ?

J’étais l’unique fille en maçonnerie. J’ai suivi le programme comme tout le monde : cours théoriques, exercices pratiques, visite de chantiers… Comme les autres, j’ai passé et réussi les examens du centre et du jury, j’ai accompli les trois mois de stage et j’ai obtenu le brevet professionnel.

La formation que tu as reçue au centre Don Bosco a- t-elle été utile pour toi et ta famille ?

Si je n’avais pas fréquenté le Centre Don Bosco, je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui. J’ai reçu une bonne formation théorique et pratique, j’ai été accompagnée par le coordinateur du Bureau de l’Emploi pendant les trois mois de stage. A la fin du stage, j’ai continué à travailler, en recevant un salaire. Je n’ai jamais été au chômage : au cours de ces deux dernières années, j’ai travaillé sur 5 chantiers. Avec ce que je gagne, je peux subvenir à mes besoins et je peux payer les frais scolaires de mon petit frère et de ma petite sœur, qui fréquentent l’école secondaire.

Avec mon frère ainé, nous mettons ensemble nos épargnes, car nous voulons agrandir notre maison. Ces derniers temps, maman est souvent malade. C’est donc nous qui assumons les besoins de la famille.

A part le métier, que retiens-tu de l’année passée au Centre Don Bosco ?

J’ai appris à être régulière et ponctuelle. J’ai pris part à des pèlerinages, je suis arrivée là où je n’étais jamais allée.

Que fais-tu maintenant ? As-tu trouvé du travail ?

Oui, je travaille au chantier de New Riviera, un hôtel de luxe situé aux bords du lac Kivu. C’est mon 5e chantier depuis que j’ai commencé à travailler. C’est l’ingénieur d’un précédent chantier qui a fait appel à moi, car il m’avait appréciée.

Quelles sont tes relations avec les employeurs et les collègues de travail ?

Les employeurs et les autres travailleurs m’apprécient et me respectent. J’espère que je ne manquerai jamais de travail.

As-tu progressé dans la pratique de ton métier ?

Certainement, j’ai été affectée à de travaux d’élévation, de lissage, de crépissage, d’implantation… J’ai appris beaucoup de choses sur les différents chantiers, je m’améliore de jour en jour. Dans les chantiers, on m’attribue les mêmes tâches qu’aux hommes, je ne me suis jamais sentie inférieure.

Penses-tu que ce que tu fais peut être un exemple pour d’autres ?

J’essaie de faire correctement mon métier, de bien utiliser ce que je gagne, d’aider ma famille et je montre qu’une fille peut effectuer le travail du maçon.

Que peux-tu dire aux filles qui aimeraient suivre des formations considérées autrefois comme réservées aux garçons ?

Je conseille aux jeunes filles d’apprendre les métiers manuels comme les garçons, en se fixant des objectifs. Autrement, elles risquent de se laisser faire par les hommes, de gâcher leur vie ou de se marier trop jeune. Je les encourage à faire tout ce qu’elles peuvent pour leur avenir, car la clé se trouve entre leurs mains.

Penses-tu te marier un jour ?

Bien sûr, mais j’attendrai pour trouver un bon fiancé. Je voudrais avoir 6 enfants, et j’aimerais qu’ils fréquentent une école technique et qu’ils apprennent un métier manuel, même les filles.

 

Interview réalisée par Bienvenu Karume et Piero Gavioli

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