Ben Kamuntu: “Education precedes revolution”
Ben Kamuntu: “Education precedes revolution”
Ben Kamuntu, jeune slameur engagé originaire de Goma (RDC), milite depuis de nombreuses années pour la paix et la dignité humaine dans son pays. De passage à Louvain-la-Neuve, il nous a raconté son action, ses luttes et ses espoirs pour son pays. Entretien.
Vous menez de nombreuses actions dans votre pays, notamment à travers la Lucha. De quoi s’agit-il ?
La Lucha est un mouvement citoyen informel et non partisan, qui a opté pour la non-violence comme mode d’action. Nous nous battons pour la dignité humaine et la justice sociale en RDCongo. Elle est née de cette volonté manifeste des jeunes de s’engager de manière pa- triotique pour contribuer à l'émergence d'un Congo nouveau, d’un Congo de paix. Notre objectif est de rendre nos dirigeants redevables et, pour cela, il faut que la population soit exigeante, qu’elle demande des comptes, interroge et manifeste aussi sa désapprobation par rapport à la non-gestion.
Quels grands enjeux abordez-vous ?
Il y a la bonne gouvernance, mais aussi des choses plus basiques comme l’accès à l’eau. Le Congo contient plus de 60% de l'eau douce d'Afrique, il pourrait alimenter tout le continent. Pourtant, sa population boit de l’eau sale. C’est inadmissible. Nous menons aussi plusieurs actions pour l'éducation. Normalement la constitution garantit l'éducation de base pour toutes les Congolaises et Congolais mais en réalité, les enfants sont obligés de payer les frais de scolarité que beaucoup de familles ne peuvent pas assumer. Sans oublier la sécurité. Il revient au gouvernement de protéger sa population. La chose la plus basique dont on a besoin est de grandir dans un environnement sain où l’on ne craint pas de se faire tirer dessus ou d'être égorgé. Pourtant, les conflits ne font que durer. Comment votre mouvement est-il accueilli par la population ? Nous avons grandi dans un environnement où l'on nous disait "le Congo est mort, rien ne va changer" et quand on a commencé avec la Lucha, il y avait un peu ce discours de fatalité et de désespoir. Mais, aujourd’hui, il y a de plus en plus de jeunes qui sont mobilisés, qui veulent que ça change. Et c’est sans doute là notre plus grande victoire. La Lucha est pré- sente dans presque toutes les grandes villes de la République démocratique du Congo. Le travail est encore immense, mais nous conti- nuons, parfois au prix de notre liberté et de notre intégrité physique.
Vous êtes aussi très actif dans ce que vous appelez l’éducation alternative...
Oui, nous partons du constat que le système éducatif officiel, le modèle d'éducation que nous avons hérité de la Belgique, est insuffi- sant car il ne permet pas les discussions. C’est pourtant essentiel de débattre et de libérer la parole. Nous avons donc mis en place un collectif de slameurs à Goma et nous animons des ateliers d'écriture et de performance slam dans les écoles et les universités. Cela permet aux élèves de partager leur point de vue sur différents sujets.
Cela passe aussi par une plus grande disponibilité des livres ?
Oui, il faut savoir que, chez nous, avoir un livre c'est vraiment un luxe. Cela coûte entre 15 et 25$, ce qui ne correspond pas au pouvoir d'achat des Congolais. Nous avons souvent accès aux livres qui viennent d'ONG ou de fondations mais ils ne parlent pas des réalités locales. C'est bien de lire sur les Ardennes ou sur les boulets aux frites (rires) mais c'est insuffisant. Nous avons besoin de connaître des livres d'auteurs qui ont vécu les mêmes situations que nous. Donc nous avons créé une maison de réédition, où nous imprimons localement des livres d'auteurs africains et les vendons à prix accessible. Je suis convaincu que l'éducation précède la révolution il faut donner de l'éducation, de l'éducation et encore de l'éducation.
Si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous pour votre pays ?
Je voudrais d’abord que tous les jeunes, toutes les filles et tous les garçons puissent accéder à l'éducation, être instruits. Pour moi, c'est la clé, c'est le centre. Et je voudrais aussi que l'humain soit placé en premier. Quand un Congolais veut venir à Bruxelles, qu'on ne dise pas que c'est un gars qui vient nous voler, voler nos boulots. Je voudrais qu'il y ait vraiment cette possibilité de voir l'humain en premier, avant toute autre considération, mais aussi l'aspect de liberté et d’épanouissement individuel.