« Les complications sont importantes et onéreuses»

Martin Buysschaert

« Les complications sont importantes et onéreuses»

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Professeur Émérite (UCLouvain), professeur d’endocrinologie et président (jusqu’en 2020) de l’association belge du diabète, Martin Buysschaert répond à toute une série de questions sur le diabète. Le coût des traitements, les chiffres, les risques, le diagnostic, mais aussi les enjeux pour l’avenir. Découvrez son interview.


 

L.C. : Dans le monde, en matière de diabète, les chiffres sont interpelant avec près de 500 millions de diabétiques actuellement. Comment interprétez-vous ces chiffres qui ne cessent de croître ?

Pr. M.B. : Ces chiffres sont déjà très préoccupants d’autant plus que beaucoup de diabétiques s’ignorent et que le coût des soins de santé est énorme.

On constate que ces chiffres augmentent certes, et ce, bien plus dans certains continents que dans d’autres. Ainsi, l’Afrique est certainement le continent où le risque d’augmentation est le plus marqué si aucune prise en charge n’est effectuée rapidement.

Pourquoi l’Afrique justement ?

Je pense que c’est dû notamment à l’occidentalisation des modes de vie. C’est particulièrement observable depuis plusieurs années dans les pays du Moyen-Orient. Ainsi les pays du Golfe font partie des pays avec la plus forte concentration de diabétiques pour le moment parce que les modes de vie s’occidentalisent. L’alimentation devient tout à fait différente et la sédentarité est plus importante. En Afrique, c’est globalement pareil. Les habitudes alimentaires changent, l’activité physique diminue et le profil des patients se caractérise par une prise de poids de plus en plus importante.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que ce phénomène est beaucoup plus marqué dans les villes que dans les campagnes. Dans les métropoles africaines, le taux de diabète est beaucoup plus élevé que dans le monde rural où les modes de vie sont plus anciens.

Que pensez-vous du travail de LC qui mise sur la sensibilisation et la prévention ?

C’est un rôle très important tant auprès du personnel médical que pour la population en général. Je pense que beaucoup de médecins en Afrique sont sensibilisés à cette maladie. Il existe des diabétologues qui connaissent très bien leur matière, qui font beaucoup d’efforts et développent des centres de diabétologie. La volonté est là, mais c’est évidemment très localisé. Ce sont quelques personnes à l’échelle des pays qui sont gigantesques. Dans les grandes villes, il y a parfois de très bons centres où l’accès au diagnostic est possible, mais en s’écartant dans les campagnes, il y a aussi plus d’ignorance face à cette maladie. Et s’il n’y a pas de diagnostic, il n’y a pas de traitement et de prise en charge.

C’est donc évidemment très important d’informer sur le diabète et ses risques.

Qu’en est-il d’ailleurs de ces risques ?

Ponctuellement, le diabète de type 2 n’a pas forcément d’incidence puisqu’il est asymptomatique. Ceci dit, l’hyperglycémie au bout de quelques années amène toute une série de complications.

Lesquelles ?

Principalement des complications vasculaires. En pratique : le risque de maladies cardio-vasculaires chez une personne diabétique est multiplié par deux à trois. C’est probablement la complication la plus répandue chez les types 2.

L’une des autres complications, c’est la rétinopathie qui atteint les yeux. À titre d’exemple, en Afrique, la cécité a encore majoritairement une origine diabétique. Ensuite il y a les complications rénales lors desquelles les petits vaisseaux des reins sont abimés par le sucre.

Enfin, il y aussi la neuropathie, à savoir l’atteinte des nerfs touchant le plus souvent les membres inférieurs. Cela veut dire que vous n’allez pas sentir une blessure. C’est un des grands problèmes chez nous et certainement amplifié en Afrique. C’est-à-dire qu’un malade atteint du diabète qui n’a pas été soigné va développer une vasculopathie — le sang ne va pas bien circuler dans les membres inférieurs au niveau des pieds (mauvaise oxygénation). Ensuite, s'il se blesse et il ne sent pas sa blessure qui n’est pas oxygénée. Cela amène à des complications aboutissant souvent à des amputations.

C’est pourquoi, la communication est très importante et le dépistage aussi.

Un autre problème, c’est le coût des médicaments ?

À ce niveau-là, on est sur deux planètes totalement différentes. Le diagnostic c’est une chose, mais il y a aussi le traitement. Dans certains pays, ces médicaments peuvent éventuellement être acquis par des personnes davantage privilégiées, mais l’accès aux médicaments est de manière générale difficile.

Après, si le diagnostic est fait dans un pays, avec des moyens thérapeutiques qui ne sont pas trop onéreux, on peut quand même soigner avec des médicaments qui sont peut-être plus anciens mais qui n’en restent pas moins efficaces.

Il faut aussi une volonté politique ?

Il faut d’abord une volonté des patients, car n’oublions pas non plus qu’il y a encore beaucoup de médecine traditionnelle. Le diabète peut être considéré comme une maladie venant de Dieu ou d’un dieu et que seul le sorcier est à même de traiter.

Donc il faut la volonté du patient qui doit être informé. Je pense qu’il faut aussi la compétence du médecin, mais tout le monde n’est pas formé. Et puis il y a l’accès aux médicaments pour lequel, il faut effectivement une volonté politique pour dire qu’il faut un budget santé. C’est évidemment très lié à la conception politique du pays.

Peut-on parler de maladie du siècle ?

Dans les exposés avant, je parlais parfois d’épidémie du diabète voire de pandémie du diabète. Depuis un an, je suis un peu plus modeste. On a parlé de pandémie car les chiffres sont très alarmants, ça explose partout.

Oui, on peut dire qu’il y a une pandémie de diabète, mais il faut relativiser par rapport à ce que l’on vit depuis plus d’un an.

Les chiffres sont-ils plus importants que ceux du VIH ?

Oui c’est vrai. C’est tellement fréquent, mais le politique n’y est pas toujours sensible. Et ce, pour toute une série de raison, dont le fait que ça ne soit pas un sujet forcément très « sexy » et que les conséquences sont sur le long terme —à l’échelle des mandats politiques, les représentants ne se sentent pas toujours concernés dans l’immédiat. En plus de cela, il y a toute une série de personnes qui estime que ce n’est qu’un problème de société. Qu’il suffirait de manger moins et de bouger plus pour éradiquer le diabète et qu’il ne servirait donc à rien d’investir trop d’argent dans des programmes de diabète.

Il faut quand même, tant en Belgique qu’ailleurs, sensibiliser le politique au fait que le diabète est très fréquent. Que sans diagnostic, les complications sont importantes et onéreuses.

 

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