Kinshasa : apprendre un métier, pour un avenir digne
Kinshasa : apprendre un métier, pour un avenir digne
Dans la capitale congolaise, des milliers d’enfants vivent dans la rue, sans aucune ressource. On les appelle les shégués.
Les recensements datent de plus de dix ans, mais déjà à l’époque, on estimait leur nombre entre 20 et 25.000, et ce phénomène ne fait qu’augmenter, notamment suite à la crise sanitaire et économique. Louvain Coopération, l’ONG de l’UCLouvain, travaille pour améliorer l’avenir de ces enfants.
« Ces enfants ont tous, à un niveau plus ou moins intense, vécu des traumatismes. Ils ont été, pour la plupart, taxés d’être des enfants sorciers et confiés à des églises qui les ont souvent torturés pour les exorciser. Beaucoup ont été maltraités dans leur famille, rejetés, abandonnés... Ils sont passés par la rue où ils ont subi de nombreuses agressions et violences. Quand ils arrivent dans les centres, ils sont donc très marqués par tout cela », témoigne Alexandra Bataille, psychologue qui a travaillé auprès de ces enfants, avec Louvain Coopération.
En 2015, l’ONG de l’UCLouvain a mis en place un premier projet de soutien et d’accompagnement des enfants en situation de rue, mettant l’accent sur une approche psychosociale. Ils sont, dans un premier temps, accueillis, logés, nourris, soignés… Commence ensuite un travail avec des psychologues et éducateurs de rue. « Nous cherchons à réduire leur niveau de souffrance pour qu’ils se sentent mieux avec eux-mêmes et avec les autres. Très tôt ils ont dû s’assumer pour pouvoir survivre, ils doivent donc (ré)apprendre à être des enfants. Dans les centres, la prise en charge éducative et psychosociale vise notamment cela : leur permettre d’occuper cette place. Ils peuvent manger, dormir, jouer, aller à l’école, être soignés… être des enfants, en somme », décrit encore la psychologue.
A travers ce projet, les plus jeunes enfants reçoivent des cours de remise à niveau scolaire et d’alphabétisation et rejoignent les bancs de l’école dès que possible.
Apprendre, pour se construire un avenir
Pour Alexandra Bataille, « un certain nombre de ces grands jeunes n’a pas de solution. Ils ne veulent ou ne peuvent pas retourner dans leur famille comme ils y ont été maltraités ou chassés et ils ne veulent pas retourner dans la rue. Ils ont donc besoin d’une autre option. » Cette autre option passe par des formations professionnalisantes : un apprentissage adapté à leur situation, très pratique, et réalisé en partie au sein d’ateliers ou d’entreprises.
Récemment, Louvain Coopération a renforcé son action en termes d’insertion socioprofessionnelle. « Il y a quelques années, les jeunes avaient tendance à viser les formations classiques pour obtenir un diplôme officiel, mais, par la suite, ils se retrouvaient au chômage car ces métiers ne sont pas adaptés à leur situation, à leurs difficultés et le marché de l’emploi étant très compliqué à Kinshasa », explique John Mboma, éducateur depuis près de dix ans au sein du centre Ndako Ya Biso, partenaire de Louvain Coopération. « Nous avons donc réfléchi à mettre en place un dispositif pour les aider à développer leurs compétences techniques, trouver un métier ou lancer leur microentreprise. »
Les jeunes ont le choix entre une cinquantaine de filières techniques, et reçoivent aussi des formations en entrepreneuriat et en marketing digital. Au sortir de leur apprentissage, ils sont accompagnés dans la création d’une activité professionnelle, souvent de type auto-emploi, digne et viable. « Beaucoup d’obstacles se dressent sur notre chemin, mais nous ne baissons pas les bras car pour nous, un jeune qui vivait de mendicité et de vol, et qui commence à gagner sa vie, qui quitte la rue, trouve un travail, une maison… Cela nous donne beaucoup de bonheur. C’est un travail important. Nous sommes les témoins vivants du changement, de l’évolution de ces jeunes », dit encore l’éducateur.
Mesurer l’impact de ces actions
En tant qu’ONG universitaire, il était important de s’assurer de l’impact positif de cette méthode d’apprentissage. Le professeur Dieudonné Musa Alokpo, Chef du département des sciences de l’éducation de l’Université de Kinshasa (UniKin) va donc réaliser une recherche appliquée sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes en situation de rue par la formation professionnelle non formelle. Son objectif est d’évaluer l’efficacité de ce dispositif d’apprentissage et de l’améliorer. Cette étude est financée grâce au soutien de la Région de Bruxelles-Capitale, l’un des acteurs belges avec qui Louvain Coopération travaille main dans la main pour rendre ce projet possible.
Récolter des fonds pour ce projet
Bien entendu, ce vaste projet réclame des financements. Pour rassembler les fonds nécessaires à l’accueil et aux formations de ces jeunes, Louvain Coopération lance un appel à la solidarité des Belges. « Sur l’année 2022, 1.100 enfants ont été accompagnés, d’une manière ou d’une autre par notre projet », confie Émilie Stainier, chargée de communication pour l’ONG. Nous espérons faire encore bien plus en 2024.
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