Irrigation d'un champ au Bénin, entre ambitions et réalité
Irrigation d'un champ au Bénin, entre ambitions et réalité
Pauline Vermeiren, Amelia Moore, Arthur Mahy et Gilles Prieur sont respectivement étudiants en bioingénieur et en ingénieur civil à l’UCLouvain et participent au cours IngénieuxSud. Fin juin, ils sont partis au Bénin durant un mois pour réaliser leur projet portant sur l’irrigation d’un champ de tomates à Natitingou au Bénin.
LC : Pouvez-vous expliquer votre projet ?
AM : Notre projet porte sur l’irrigation d’un champ au Bénin. Au départ, on devait irriguer un champ de tomates car il y avait déjà une source d’eau. L’idée était donc d’acheminer l’eau du puits vers les tomates.
LC : Quel a été finalement votre réel projet ?
AM : Quand on est arrivé, on a vu que le puits, réalisé dans le cadre d’un autre projet IngénieuxSud, s’était affaissé. Notre projet concret a donc été de créer une source d’eau. Pour ce faire, nous avons dû réaliser un forage, installer une pompe solaire et donc des panneaux solaires.
PV : Le problème c’est qu’on a utilisé tout le budget pour le forage et la pompe. Les partenaires nous ont donc aidé pour financer les panneaux solaires. Inutile d’expliquer que du coup, nous n’avions plus assez de budget non plus pour couvrir le but initial de notre projet à savoir l’irrigation du champ de tomates. Nous espérons qu’un autre groupe d’étudiants reprendra le flambeau l’an prochain.
LC : Quand êtes-vous partis et combien de temps a duré votre voyage ?
PV : On est parti du 27 juin au 23 juillet. On a d’abord été cinq jours à Cotonou pour réaliser les tests PCR et visiter la ville. Ensuite, on est resté trois semaines à Natitingou pour réaliser le projet et puis on est revenu sur Cotonou avant de rentrer.
LC : Comment s’est déroulé votre projet ?
PV : Avant d’arriver, on a rencontré des problèmes de communication avec les gens du terrain. La responsable du champ ne répondait jamais à nos questions. On avait donc un peu peur en arrivant sur place, on se demandait si le projet allait vraiment se faire. Avant notre départ, la responsable nous avait dit que le puits était fonctionnel mais ce n’était pas le cas. Quand on est arrivé sur place, on a donc dû revoir les objectifs de notre projet. Nous avons pris du retard dans la réalisation du forage et dans l’installation de la pompe car nous avons dû contacter tous les techniciens sur place. Heureusement, nous avons pu tester la pompe avant notre départ et elle fonctionnait correctement ! Le professeur présent sur le terrain s’est rendu compte qu’un suivi avec les responsables du champ était indispensable et que les techniciens devaient déjà être contactés avant l’arrivée des étudiants.
LC : Votre projet s’est-il concrétisé ?
AM : Oui, il s’est concrétisé au niveau de l’implémentation de la source d’eau : le forage, la pompe et les panneaux solaires. On a vu de l’eau sortir donc notre projet a fonctionné. Par contre, il n’y a pas eu la mise en place d’un système d’irrigation car il était impossible de mettre en place en même temps la source d’eau et le système d’irrigation. Ce sont deux projets différents !
PV : Le projet a pris plus d’ampleur que prévu car la source permet également d’approvisionner en eau tout le village qui peut aller chercher de l’eau quand il veut.
LC : Et maintenant, que va-t-il advenir de votre projet ?
PV : Normalement grâce à la pompe qu’on a installée, ils vont faire des bénéfices car ils auront des tomates toute l’année. Ils pourront donc poursuivre le projet en installant des réservoirs surélevés et des conduites pour acheminer l’eau jusqu’aux plantations et permettre l’irrigation par goutte à goutte. Si ce projet est reconduit par IngénieuxSud, on s’engage à communiquer toutes les informations et les contraintes de terrain au groupe suivant comme les mesures du champ, etc.
LC : Quelles sont les difficultés rencontrées sur place ?
AMA : Les contacts sont assez lents sur place notamment pour avoir un devis, une réponse ou simplement pour organiser une réunion. Pour cette raison, certains jours, on ne savait pas avancer sur le projet donc on a appris à faire un compost et à repiquer les tomates. En fait, la communication a été une des plus grandes difficultés car on était nombreux à travailler sur ce projet : les étudiants belges, les étudiants béninois, les professeurs belges, le professeur béninois. Sur place, il y a les techniciens et les trois responsables du champ. Pour que les informations soient diffusées dans tout le groupe, ça pouvait prendre plusieurs heures voire même plusieurs jours. Ce problème de communication était présent sur place mais aussi tout au long de l’année.
AM : Ils n’avaient pas toujours la même notion de l’heure que nous et arrivaient une heure en retard. Et puis, contrairement à nous, les étudiants béninois n’avaient pas que le projet à gérer sur place.
LC : Qu’avez-vous appris grâce à cette expérience ?
PV : D’un point de vue humain, ça nous a permis de comprendre qu’on était vraiment privilégié car ils n’ont pas d’aide sociale, etc. Ça m’a aussi permis de me rendre compte de la réalité sur place et d’avoir une certaine ouverture d’esprit vis-à-vis de la culture africaine. D’un point de vue professionnel, c’était la première fois qu’on était amené à mettre en pratique un projet. En fait, le projet papier on pouvait littéralement le jeter à la poubelle parce que tout était totalement différent sur le terrain. J’ai trouvé ça hyper intéressant de voir qu’on ne devait jamais trop s’en tenir à la théorie car lors de la pratique ça peut changer. C’était aussi intéressant d’apprendre la gestion d’équipe et de voir qu’il faut de l’écoute et que tout le monde puisse s’exprimer et donner ses idées. Chacun a pu apporter sa pierre à l’édifice car il n’y a pas eu un leader qui décidait de tout.
AM : On a aussi pu faire preuve d’un certain esprit d’entrepreneuriat car c’était la première fois qu’on entrait en contact avec des techniciens, qu’on devait gérer des devis et comparer des prix.
LC : Avez-vous une anecdote à partager ?
AM : Notre professeur référent nous a invités un soir à manger chez lui. On s’est rendu compte en arrivant que c’était l’anniversaire de sa femme et il y avait beaucoup d’invités. C’est vraiment un exemple qui montre les différences de culture. Quand on est arrivé, ils nous ont directement servi de l’eau alors qu’en Belgique on a tendance à proposer un apéro. Ensuite, au lieu de passer à table, on a mangé le repas assis sur le canapé avec nos doigts. Au début, on était un peu choqué mais en fait ils ont certaines règles : on ne peut pas manger n’importe comment avec nos doigts. Ils mangeaient super proprement contrairement à nous. C’était super chouette de voir leurs traditions !