«C’est très fatigant, mais vous ferez aussi énormément de découvertes!»

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«C’est très fatigant, mais vous ferez aussi énormément de découvertes!»

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Marie et Élisabeth, deux étudiantes en master de Sciences de la population et du développement, sont parties dans le nord du Bénin dans le cadre de leur mémoire. Pendant deux mois, elles ont analysé les facteurs qui poussent les populations à rejoindre – ou non – les mutuelles de santé, dans les communes de Matéri, Cobly et N’Dahonta. À terme, leur travail permettra à Louvain Coopération de comprendre comment augmenter l’appropriation des mutuelles de santé par la population. Rentrées depuis peu, elles nous livrent leurs impressions.

Pourquoi avoir choisi ce projet ?

Marie : Le professeur Philippe De Leener propose chaque année des stages-mémoire avec Louvain Coopération. Mon premier choix portait sur la souveraineté alimentaire au Congo, mais la situation sur place ne nous permettait pas de nous y rendre. Mon second choix, aussi un pays francophone, était le Bénin.

Elisabeth : Faire une expérience à l’étranger faisait sens, avec notre master. Aucune de nous deux n’avait été au-delà du Maghreb, donc c’était vraiment une première expérience dans le Sud.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquées ?

Marie : La façon de communiquer est différente, les gens sont moins dans la politesse, ils sont plus directs. J’ai eu du mal à m’y habituer, même si je sais que ce n’est pas mal intentionné de leur part.

Elisabeth : Quand on est blanche, on ne passe pas inaperçue ! On se faisait tout le temps accoster. Tout le monde savait où nous logions. Cela peut être un peu fatigant, mais ça a également ses côtés positifs : nous avons pu faire beaucoup de belles rencontres, nous étions souvent invitées et nous avons pu goûter à la simplicité de la manière de vivre des villageois. Cela dit, lorsqu’on n’est pas habitué à cette simplicité, c’est parfois un peu difficile : il nous arrivait de rentrer après plusieurs heures de moto, recouvertes de poussière. Et il n’y avait pas toujours de l’eau disponible pour se laver.

Marie : Par contre, on a adoré la nourriture !

Comment était l’organisation sur place ?

Elisabeth : Nous avons été bien encadrées. Le concept de mutualité est différent au Nord-Bénin, donc, même si nous avions déjà lu sur le sujet, nous ne pouvions pas le comprendre totalement. À notre arrivée, Louvain Coopération avait organisé un voyage pour que nous puissions visiter différentes mutualités au Bénin, ce qui nous a beaucoup aidées. Nous avons également eu une réunion avec Daniel Blais (ndlr : directeur régional Afrique de l’Ouest pour Louvain Coopération) à Cotonou. Il est venu nous voir pendant notre séjour pour vérifier que tout se passait bien et nous avons ensuite fait une réunion de débrief sur ce que nous avions récolté. Sur place, nous travaillions avec deux étudiants béninois qui nous accompagnaient, Elisabeth, Marie et Naomi notamment pour la traduction.

Marie : Malheureusement, nous avions l’impression que le garçon était moins investi. C’est peut-être une autre façon de fonctionner. Par contre, nous nous sommes bien entendues avec Naomi, l’autre étudiante béninoise.

Elisabeth : Un autre membre de Louvain Coopération se trouvait également à une heure de route de là où nous logions, donc nous avions toujours quelqu’un vers qui nous tourner en cas de problème – même si nous n’en avions pas vraiment besoin. Le suivi sur place a été parfait, il y avait toujours quelqu’un pour répondre à notre appel.

Quelles sont les différences entre les mutualités en Belgique et au Bénin ?

Marie : Au Bénin, l’inscription dans une mutualité n’est pas obligatoire, il s’agit d’une adhésion volontaire. Le coût est également différent.

Elisabeth : La mutuelle béninoise ne couvre pas non plus tous les soins, seulement le paludisme, certaines grossesses, certains types de maladies… Tout le monde bénéficie du même plan santé, mais il ne couvre pas tout. Au début, la mutualité ne prenait en charge que les petites maladies, mais, dans la région que nous avons analysée, trois mutualités ont fusionné pour mettre des fonds en commun et élargir leur couverture. Au Bénin, la mutualité est également plus informelle. C’est au chef de famille d’affilier sa femme et ses enfants, mais il peut faire le choix de couvrir seulement certains membres de sa famille s’il manque de moyens financiers.

Comment a évolué en cours de route votre compréhension de votre problématique ?

Marie : Nous n’avions pas d’hypothèse de base, déjà parce que nous essayions de garder l’esprit ouvert, de travailler par la déduction. Ensuite, il n’y avait pas de littérature sur le sujet, du moins pas précisément sur la région où nous allions travailler. Nous avons encore un gros travail d’analyse de données, mais nous pensons que Louvain Coopération pourra étendre l’intérêt envers les mutuelles, à certaines conditions.

Qu’est-ce qui peut limiter l’accès aux mutualités, outre les moyens financiers ?

Marie : Il peut y avoir plusieurs raisons différentes. Certains décident de ne pas s’inscrire à cause d’échos négatifs, de personnes déçues par la mutualité. Il se peut que leurs attentes soient trop élevées. Par exemple, les mutualistes pensent qu’ils seront prioritaires pour recevoir des soins. En vérité, ils sont souvent assez mal reçus par les prestataires de soins.

Elisabeth : Effectivement, quand ils veulent aller se faire soigner, les mutualistes présentent un carnet qui leur permet d’obtenir directement une réduction sur leurs soins. Mais les prestataires de soins ne reçoivent pas l’argent tout de suite. Ils doivent également remplir plus de papiers. Une autre raison qui limite l’engagement dans les mutualités est que l’information ne circule pas toujours correctement. Il y a bien des animateurs qui voyagent entre les villages, mais nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’habitants ne savaient pas très bien ce qu’est une mutuelle. De plus, les habitants s’affilient un an et – vu qu’ils ne sont pas tombés malades durant cette période – ils ne trouvent pas l’intérêt de poursuivre leur inscription. Finalement, nous arrivons à un chiffre de 5 à 10% d’affiliés selon les communes.

Marie : Aussi, ce sont les hommes qui affilient la famille, et il arrive qu’ils ne veuillent pas rejoindre une mutualité, alors que leurs femmes en ont envie.

Qu’avez-vous le plus appris sur place ?

Marie : Je n’avais jamais fait de la récolte de données : c’est déjà toute une expérience en soi. Je dirais que j’ai surtout dû apprendre à ne pas juger, comme lorsqu’ils parlaient des mariages forcés qu’ils organisaient.

Elisabeth : Il nous a fallu parler à des groupes sans paraître stressées, une qualité de meneur que notre caractère nous a aidées à atteindre. Je dirais que j’ai beaucoup appris la patience, à parler à l’autre sans choquer.

Une anecdote qui vous a particulièrement marquées ?

Marie : Il y en a tellement ! Le fait que tout le monde prenait nos adresses e-mail, les pneus crevés au milieu de la brousse, des villageois hauts en couleur…

Elisabeth : Pour moi, la peur des souris, tous les habitants du village qui se rassemblaient autour de nous, nous prenaient en photo, les demandes en mariage, les enfants qui criaient ‘Batoube’. Nous le leur disions également car nous pensions que cela signifiait bonjour, alors que ‘Batoube’ veut dire Blanches ! Un des moments les plus marquants fut d’aller dans une église évangéliste, durant Pâques. Ils nous ont demandé de nous lever, de nous présenter face au micro, nous ont serré la main. Un peu particulier sur le moment, mais c’est un bon souvenir !

Avez-vous envie de repartir dans le Sud ?

Marie : Oui, même si pas tout de suite. Il faut savoir gérer les nombreux regards sur place, lorsqu’on est blanche. Par contre, j’aimerais travailler dans le monde associatif plus tard, dans la protection de l’environnement.

Elisabeth : Je suis trop attachée à mes racines pour y habiter, mais j’aimerais y retourner dans le cadre d’une ONG, après ma formation d’institutrice. C’était ma première expérience dans le monde coopératif et le bilan est très positif.

Que conseilleriez-vous à des étudiants désirant faire un stage similaire ?

Elisabeth : Déjà, on vous conseille de faire ce genre de stage ! C’est très fatigant, mais vous ferez aussi énormément de découvertes. Pour se préparer, il est intéressant de discuter avec des personnes qui sont déjà allées en Afrique, afin de réduire le choc culturel.

Marie : Prévoyez aussi beaucoup d’anti-moustique ! Je conseille également de partir à deux. Cotonou est une grande ville, mais nous étions dans la campagne et contentes d’avoir quelqu’un à qui se rattacher, qui puisse comprendre les différences culturelles, par exemple, même si nous avions également un téléphone pour pouvoir accéder à Facebook, rester en contact avec nos proches. Sinon, je dirais que, sur place, il faut apprendre à lâcher du lest. Nous avons tendance à vouloir tout planifier, mais la vie sur place ne s’y prête pas toujours.

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