Edito
GESTION DES SAVOIRS : entre valorisation, réflexion, dialogue et diffusion
Toute organisation, du fait de ses activités, produit des savoirs qui constituent un capital intellectuel (Préfontaine L et al., 2009, Les sept jalons d'une gestion du savoir efficace). Chez Louvain Coopération, nous puisons ces savoirs dans la mise en oeuvre de nos interventions avec les acteurs et les populations cibles en collaboration étroite avec des organisations locales et des universitaires. La gestion de ces savoirs implique de les identifier, les décrypter, les organiser, les mettre en valeur, les confronter, les communiquer. Les connaissances produites, les expériences acquises et les apprentissages associés ne sont pas toujours valorisés à la hauteur qu’ils devraient, surtout lorsque les savoirs proviennent de personnes marginalisées ou moins reconnues socialement (Godrie B et al., 2019, La co-construction des savoirs au prisme de l’épistémologie et des inégalités sociales). La systématisation de ces savoirs permet non seulement de les valoriser, d’avoir un temps de recul et de réflexion mais est aussi source d’amélioration pour les actions suivantes. Les savoirs sont aussi parfois des perspectives particulières sur le monde, développées à partir de points de vue spécifiques (Harding S, 1987, Feminism and Methodology). Ils nous permettent de jeter un regard différent et de considérer des compréhensions nouvelles sur les enjeux qui nous occupent. Fort de ces perspectives, nous veillons alors à favoriser le dialogue entre les différents types de savoirs (académiques, communautaires, paysans, citoyens) afin de nourrir la réflexion. Partager ces savoirs est alors la suite naturelle d’un processus qui se veut être au bénéfice du plus grand nombre. En tant qu’ONG universitaire, la gestion des savoirs est au coeur de nos interventions et constitue une de nos spécificités. C’est cette dynamique passionnante que nous vous invitons à découvrir dans le dossier spécial de ce Devlop'.
Dans une interview accordée au Devlop’ il y a un an, notre Recteur, Vincent Blondel, marquait sa volonté « que, autant que possible, Louvain Coopération et l’UCLouvain se renforcent mutuellement ». Ce renforcement passe par les collaborations multiples qui se dessinent entre nos organisations soeurs, dont il nous semblait intéressant de faire état.
LA RECHERCHE : Plusieurs chercheurs, doctorants, mémorants, étudiants… de l’UCLouvain échangent avec Louvain Coopération car leur objet d’étude porte sur des problématiques ou des questionnements en lien direct avec nos projets ou thématiques de travail. Nous leur permettons alors un accès facilité au terrain, à des contacts, des informations, des interlocuteurs et nos équipes ou nos partenaires prennent souvent part à l’étude… tandis qu’ils nous offrent une analyse de nos actions, une possibilité de prendre du recul et d’innover dans nos projets, afin d’en augmenter l’impact. Notons également que plusieurs professeurs de l’UCLouvain prêtent main-forte à notre ONG dans une problématique spécifique ou afin d’analyser la qualité d’un projet, voire s’y engagent sur le long terme, en intégrant notre Conseil d’Administration.
LES ÉTUDIANTS : Aujourd’hui, la plupart des étudiants veulent compléter et confronter leurs acquis universitaires avec des expériences humaines, porteuses de sens. Louvain Coopération permet à une partie d’entre eux d’y parvenir, que ce soit via le cours-programme Ingénieux-Sud, les stages de médecine dans nos pays d’intervention, le programme Étudiant Solidaire ou encore le concours organisé avec l’École de Journalisme de Louvain.
CITOYENNETÉ MONDIALE ET SOLIDAIRE : Louvain Coopération organise de nombreuses activités visant un objectif commun : faire en sorte que la communauté universitaire au sens large prenne conscience du système mondial et de ses différents rapports de domination et, surtout, s’engage individuellement et collectivement pour une société inclusive, durable, équitable et solidaire.
Sur le continent africain, la mortalité maternelle post-césarienne reste très élevée : près d’une femme sur 200 décède à la suite de cette intervention. C’est 50 fois plus que dans les pays occidentaux ! Pour lutter contre ce fl éau, Louvain Coopération a réalisé le manuel « Pratique de la césarienne en conditions de ressources limitées ». Un ouvrage très concret, né d’une collaboration entre universitaires et experts du terrain. Notre souhait : le diff user le plus largement possible.
La césarienne est de loin l’intervention la plus pratiquée dans les pays du Sud. Elle est donc largement banalisée, mais ce n’est malheureusement pas pour autant qu’elle est réalisée correctement. Encore aujourd’hui, l'on estime qu’une future maman africaine sur 200 décède après avoir accouché par césarienne.
Ce chiffre s’explique par plusieurs facteurs, dont notamment « une méconnaissance des indications à pratiquer une césarienne, de la technique, ainsi qu’une certaine acceptation, par les soignants, du taux de décès sur césarienne comme étant inévitable », témoigne le Docteur Christian de Clippele, chirurgien et ancien expert santé de Louvain Coopération. Dans le cadre de sa fonction, il a créé et publié un manuel destiné aux praticiens de la santé, qui délivre une pratique rigoureuse de cette intervention en conditions de ressources limitées. L’objectif : « diminuer les complications et la mortalité materno- infantile.
La dimension universitaire de notre ONG oriente considérablement notre façon de travailler, de concevoir nos projets et plus globalement les missions que nous assurons. Parmi celles-ci, la diff usion des savoirs occupe une place toute particulière. Concrètement, il s’agit de partager le plus largement possible les savoirs que nous produisons au travers de nos projets et des interactions que nous suscitons entre les acteurs du monde universitaire et ceux de nos terrains d’intervention, afi n qu’ils profi tent au plus grand nombre. Une mission capitale donc, dont nous souhaitons renforcer la visibilité et l’impact.
Quelle peut être la portée d’un projet de développement s’il se limite à soutenir les personnes qui en bénéficient directement, dans un temps déterminé ? Pour ces personnes, bien sûr, cela change tout. Mais est-ce suffisant ? Chez Louvain Coopération, nous croyons que l’une des façons de multiplier l’impact de nos actions est de diffuser le savoir qui en ressort.
Les leçons apprises, les idées, bonnes ou mauvaises, les réussites et les échecs… dans le cadre de nos projets, nous compilons et publions toutes ces informations ainsi que les résultats des recherches universitaires liées à nos actions. Ces productions poursuivent deux objectifs : d’une part, alimenter les réflexions de nos équipes et de nos partenaires pour influencer nos interventions et, d’autre part, documenter nos apprentissages pour qu’ils puissent être exploités par d’autres organisations, entrepreneurs, gouvernements, chercheurs… qui souhaiteraient oeuvrer dans les mêmes directions que nous et s’en inspirer.
Tout comme nos thématiques de travail, ces documents papiers et vidéos sont nombreux et variés. L’on peut citer, parmi les plus récents, « The research on migration and its impact on Cambodian children and families" étude réalisée avec l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations), l’Université de Hong Kong et PLAN International, ou « L’évaluation de l’impact des approches et capitalisation des apprentissages du projet d’appui à la valorisation des produits agricoles et à la promotion de l’artisanat dans les provinces de Makamba et Rutana (Burundi) ». Ces documents, ainsi que tous ceux qui ont été produits ces dernières années, sont publiés sur notre site web : www.louvaincooperation.org/fr/capitalisation
Il n’est pas toujours facile de valoriser, notamment dans le cadre d’une recherche d’emploi, ses expériences citoyennes telles que le volontariat ou encore l’Erasmus. Pourtant, elles apportent de véritables atouts. Global STEPS est un nouvel outil permettant de mesurer et de démontrer la valeur ajoutée de ce type d’expériences. Une très belle idée à laquelle Louvain Coopération prend part et à diffuser largement !
« J’ai enseigné pendant 3 mois au Bénin ». « Je travaille bénévolement chaque week-end pour une banque alimentaire ». « J’ai appris l’anglais lors d’un Erasmus à Dublin ». Nous sommes très nombreux à posséder de belles expériences humaines, citoyennes. Des expériences qui nous ont forgés et apporté plusieurs atouts à faire valoir dans un futur emploi. Le hic, est qu’il est compliqué de « vendre » ces expériences à un éventuel futur employeur, tant leur apport est subjectif et non quantifiable. Et si cela venait de changer ? Si, comme nous pouvons apposer sur un CV le niveau C1 en anglais, nous étions en mesure de quantifier nos compétences transversales et citoyennes ? C’est justement ce que nous offre l’outil Global STEPS !
Financé par ERASMUS +, programme d'échange d'étudiants et d'enseignants européens, ce projet résulte d’un partenariat entre organisations issues de cinq pays différents, dont Louvain Coopération. « Concrètement, explique Fiona Nziza, Responsable projets Nord pour Louvain Coopération, il s’agit d’un outil en ligne qui permet une auto-évaluation de 7 compétences citoyennes transversales. À la fin du test, on obtient des résultats détaillés et exprimés dans un langage professionnel, ainsi qu’un certificat. Mais ce n’est pas tout, Global STEPS livre des conseils pratiques pour améliorer ses compétences et la possibilité d’autoévaluer ses progrès en réalisant le test une seconde fois. »
Si l’outil est aujourd’hui bien au point, le prochain défi est de le diffuser suffisamment pour qu’il soit reconnu dans le monde professionnel. « Plus nous serons nombreux à l’utiliser, plus Global STEPS et donc nos expériences citoyennes deviendront incontournables pour les employeurs ! »