L’accès aux soins de santé pour éloigner la pauvreté
Edito
2016 sera une année charnière pour Louvain Coopération
2016 sera une année charnière à beaucoup d’égards. Nous fêtons les 10 ans d’un partenariat solide avec l’Union Nationale des Mutualités Libres, autour des mutuelles de santé au Bénin et au Togo. Chaque année la collaboration se renforce. Les échanges d’expertise se multiplient. Tout cela dans un contexte où la protection sociale et la couverture maladie universelle sont en bonne place dans les agendas politiques africains. Au-delà des communes et districts, l’enjeu est national. Le programme MASMUT, alliant les différentes Unions mutualistes belges et leurs ONG partenaires , soutient ce plaidoyer. Différents modèles s’opposent. La mutuelle de santé est le seul qui répartit les responsabilités entre l’Etat, les prestataires de soins et les patients d’une manière fonctionnelle et démocratique.
Mais 2016, c’est aussi l’année de réflexions et décisions en vue de notre prochain plan stratégique et notre programme 2017-2021. Une évaluation pointue de nos actions passées nous pousse à encore élargir notre compréhension des mécanismes sociaux ou culturels qui opèrent partout. Quels codes régissent les choix des micro-entrepreneurs, les réticences à adhérer à une coopérative ou à une mutuelle, le type d’alimentation, la conception du bien-être ? Nos équipes et partenaires, avec l’appui transdisciplinaire de l’UCL vont consacrer leur énergie à ces analyses qui nourriront nos projets et actions. Enfin, 2016, ce sont aussi des nouveaux projets, de nouvelles zones d’intervention. La suite au prochain numéro !
Félix Vanderstricht
Dans l’Atacora, région particulièrement pauvre située au nord du Bénin, Louvain Coopération a développé un projet intégré, mêlant sécurité alimentaire et accès aux soins de santé. Pour ces familles aux revenus faibles et irréguliers, un problème de santé, même bénin, peut se transformer en catastrophe. Pour soigner l’un des leurs, les familles doivent faire d’importants sacrifices, jusqu’à vendre toutes les récoltes d’une année et se priver de nourriture. Louvain Coopération se bat donc sur deux fronts : l’accès à la santé par le biais de mutuelles de santé et la sécurité alimentaire par le soutien à l’agriculture et aux microentreprises.
Grâce à ce projet, les femmes, notamment, peuvent développer leur petite entreprise en produisant et vendant des denrées alimentaires. Une partie de ces revenus est réinjectée dans la cotisation à une mutuelle de santé. Ces familles luttent alors plus efficacement contre la pauvreté et les maladies…
Louvain Coopération soutient le développement de mutuelles de santé en Afrique de l’Ouest. De cette façon, elle offre aux populations démunies un accès aux soins de santé, tout en luttant contre la faim et la pauvreté.
Le lien entre les mutuelles de santé et la sécurité alimentaire peut paraître flou pour la plupart d’entre nous. Pourtant, au Bénin et au Togo, c’est une réalité quotidienne pour des milliers de personnes. Dans ces pays d’Afrique de l’Ouest, 80% de la population travaille dans l’économie informelle. Particulièrement vulnérables, ces personnes ne sont couvertes par aucun mécanisme d’assurance santé.
“Ce sont, pour la plupart, des agriculteurs dont les revenus sont très irréguliers”, explique Brice Titipo, responsable des mutuelles de santé en Afrique de l’Ouest pour Louvain Coopération.
“Durant certaines périodes de l’année, l’argent manque et, malheureusement, la plupart des maladies locales se développent au même moment. Par exemple, la période de semis s’ étend de juillet à octobre. Les agriculteurs doivent alors beaucoup investir et manquent d’argent. Mais c’est aussi à ce moment-là que les paludismes se développent et sont les plus graves.”
Les accouchements compliqués, les accidents, les infections… sont autant d’autres cas qui nécessitent les interventions de professionnels de la santé. Mais, sans argent pour payer les soins, de nombreuses familles de malades attendent, remettent les soins à plus tard, parfois trop tard. A contrario, certains s’endettent lourdement pour faire soigner un malade. Par la suite, cela peut mener toute une famille à se priver, jusqu’à souffrir de la faim, pour rembourser les créanciers. “Il était important que l’on puisse trouver un mécanisme pour que ces populations puissent se couvrir par rapport à leurs besoins en santé”, conclut Brice Titipo.
Au Bénin, un nouveau projet démarre dans quatre communes déjà touchées par les mutuelles de santé de Louvain Coopération. Il vise à soutenir les agriculteurs de la région de l’Atacora et à lutter, avec eux, contre la faim. Au coeur de ce projet intégré, une céréale : le fonio…
“Le fonio est une céréale, une toute petite graine, qui tend à disparaître en Afrique de l’Ouest, mais qui reste très consommée”, nous explique Adama Toni, responsable du projet. “Au Nord Bénin, une des communes dont on s’occupe présente des sols différents des autres. C’est un peu montagneux, les sols sont pauvres et les agriculteurs n’arrivent pas à cultiver les céréales habituellement produites au Bénin. Le maraîchage est, lui aussi compliqué. Par contre, il est facile d’y produire le fonio !” Cette céréale présente également l’atout d’être ancrée dans les traditions, où elle joue un grand rôle dans l’alimentation. Récolté tôt dans l’année, le fonio permet aux populations d’écourter la période de soudure qui s’étend entre deux récoltes et qui peut, certaines années, être synonyme de greniers vides et de famine.<:p>
“Améliorer la sécurité alimentaire, c’est aussi aider la population à traverser cette période très difficile”, précise encore Adama.
Le programme va donc mettre l’accent sur la promotion du fonio. L’objectif est d’encourager les cultivateurs à la produire, mais aussi de faciliter les différents processus de production et de transformation de cette céréale. Actuellement, ces derniers sont particulièrement pénibles. Les responsables du projet vont donc rechercher, avec les agriculteurs, des solutions pour améliorer leurs conditions de travail.
Une autre facette de ce projet soutient plus particulièrement les femmes. Louvain Coopération va les aider à développer différentes activités lucratives liées notamment au fonio, à sa vente et à sa transformation.
Un aspect important de la mise sur pied de mutuelles de santé au Sud est la prise en compte des moyens des futurs adhérents. Pour que ce système soit efficace, il faut que chaque membre des communautés visées ait des moyens financiers suffisants pour payer la cotisation. Afin d’atteindre cet objectif, Louvain Coopération laisse une très grande place aux mutualistes dans les décisions relatives à la mutuelle de santé. L’Assemblée Générale, formée uniquement d’adhérents, fixe le prix de la cotisation annuelle. De celui-ci dépendra l’offre de soins remboursés.
Une autre règle importante dans ce système est de viser les familles entières. Il n’est pas possible de ne faire adhérer que certains membres de la famille. Ce principe permet d’éviter que seule une personne malade ne devienne mutualiste. Il offre aussi, à tous les membres d’une famille, la possibilité de bénéficier du système mutualiste en cas de problème. Pour les familles nombreuses, la cotisation est adaptée et légèrement diminuée.